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— 1793 - 1799 —

l’insurrection. Le prince resta plusieurs semaines à l’Île-Dieu, en vue de la côte ; mais, sourd aux supplications des insurgés qui l’attendaient sur le rivage, il refusa opiniâtrement de débarquer. Vainement le commandant de la frégate anglaise le Jason, qui l’avait conduit, eut-il recours lui-même aux prières et aux menaces pour décider Monsieur à cet acte de facile courage ; ce prince ne voulut rien entendre ; il fallut le ramener à Portsmouth. À la suite de ce départ, Charette écrivit la lettre suivante à Louis XVIII :

« Sire, la lâcheté de votre frère a tout perdu. Il ne pouvait paraître sur cette côte que pour tout perdre ou tout sauver. Son retour en Angleterre a décidé de notre sort. Aujourd’hui il ne nous reste plus qu’à périr inutilement pour le service de Votre Majesté.

« Charette »

Charette ne se trompait pas. L’insurrection, après s’être péniblement maintenue pendant quelques mois, fut comprimée par le général Hoche, accouru en Vendée avec les troupes qui venaient de détruire le corps expéditionnaire de Quiberon ; Charette lui-même, réduit à quelques soldats et blessé, fut pris le 23 mars 1796 (3 germinal an IV), et fusillé à Nantes le 29 (9 germinal).

Le ministère anglais présenta le désastre de Quiberon comme un échec sans importance. « Dans cette affaire, dit négligemment William Pitt à la Chambre des communes, le sang français seul a coulé. — Oui, sans doute, s’écria Sheridan indigné ; mais en revanche l’honneur anglais a coulé par tous les pores ! » La cour de Londres se montra moins accommodante à l’égard de l’avortement inévitable du mouvement vendéen que le comte d’Artois devait appuyer de son nom et de sa personne car, cette fois, la destruction du brave corps d’officiers qui, durant la guerre de l’indépendance américaine, avait si souvent triomphé des escadres anglaises dans les mers de l’Inde et sur l’Atlantique, ne pou-