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fait une Remarque bien ample que le Lecteur pourra voir.

V. - 1. Que notre langue n'est fondée que sur l'Usage, ou sur l'Analogie, qui est l'image ou la copie de l'Usage. - 2. Que la raison en matière de langues, et particulièrement en la nôtre, n'est point considérée. - 3. Que l'Usage fait beaucoup de choses par raison, beaucoup sans raison, et beaucoup contre raison.

1. De tout ce discours, il s'ensuit que notre langue n'est fondée que sur l'Usage ou sur l' Analogie, laquelle encore n'est distinguée de l'Usage que comme la copie ou l'image l'est de l'original, ou du patron sur lequel est formée, tellement qu'on peut trancher le mot, et dire que notre langue n'est fondée que sur le seul Usage ou déjà reconnu, ou que l'on peut reconnaître par les choses qui sont connues, ce qu'on appelle Analogie. 2. D'où il s'ensuit encore que ceux-là se trompent lourdement, et pèchent contre le premier principe des langues, qui veulent raisonner sur la nôtre, et qui condamnent beaucoup de façons de parler généralement reçues, parce qu'elles sont contre la raison. Car la raison n'y est point du tout considérée, il n'y a que l'Usage et l'Analogie. Ce n'est pas que l'Usage pour l'ordinaire n'agisse avec raison, et s'il est permis de mêler les choses saintes avec les profanes, qu'on ne puisse dire ce que j'ai appris d'un grand homme, qu'en cela il est de l'Usage comme de la Foi, qui nous oblige à croire simplement et aveuglément, sans que notre raison y apporte sa lumière naturelle, mais que néanmoins nous ne laissons pas de raisonner sur cette même foi, et de trouver de la raison aux choses qui sont par-dessus la raison. Ainsi, l'Usage est celui auquel il se faut entièrement soumettre en notre langue, mais pourtant il n'en exclut pas la raison ni le raisonnement, quoique ils n'aient nulle autorité. Ce qui se voit clairement en ce que ce même Usage fait aussi beaucoup de choses contre la raison, qui non seulement ne laissent pas d'être aussi bonnes que celles où la raison se rencontre, que mêmes