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tous les bons Auteurs unanimement condamnent cette suppression. Les autres ne se veulent point servir de si bien que, pour dire de sorte que, tellement que, quoique toute la Cour le dise, et que tous nos meilleurs Auteurs l'écrivent. Les autres enfin ne voudraient pas écrire pour quoi que ce fût remporter la victoire, bien que cette façon de parler soit très excellente, et très ordinaire en parlant et en écrivant. Et ce qui est bien étrange, ce ne sont pas les mauvais, ni les médiocres Écrivains, qui tombent dans ces défauts sans y penser, et sans savoir ce qu'ils font, cela leur est ordinaire. Ce sont nos Maîtres, ce sont ceux dont nous admirons les écrits, et que nous devons imiter en tout le reste comme les plus parfaits modèles de notre langue et de notre Éloquence. Ce sont ceux qui savent bien que leur opinion est condamnée, et qui ne laissent pas de la suivre. Il est de cela, ce me semble, comme des goûts pour les viandes, les uns ont des appétits à des choses, que presque tout le monde rejette, et les autres ont de l'aversion pour d'autres, qui sont les délices de la plupart des hommes. Combien en voit-on qui ne sauraient souffrir l'odeur du vin, et qui s'évanouissent à la seule senteur ou au seul aspect de certaines choses, que tous les autres cherchent avidement? Il y a néanmoins cette différence, que ces aversions naturelles sont très mal aisées à vaincre, parce que les ressorts en sont si cachés qu'on ne peut les découvrir, ni savoir par où les prendre, encore que bien souvent on en vienne à bout, quand on les entreprend de bonne heure, et que ceux qui ont soin de l'éducation des enfants les accoutument peu à peu à s'en défaire. Mais y a-t-il rien de plus facile que d'accommoder son esprit à la raison en des choses de cette nature, où il ne s'agit pas de combattre des passions, ni de mauvaises habitudes, qu'il est si difficile de vaincre, mais qui veut seulement qu'on suive l'Usage, et qu'on parle et qu'on écrive comme la plus saine partie de la Cour et des Auteurs du temps, en quoi il n'y a nul combat à rendre, ni nul effort à faire qui n'