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c'est à dire qui depuis trente-cinq ou quarante ans aurait vécu dans la Cour, qui dès sa tendre jeunesse aurait fait son apprentissage en notre langue auprès du grand Cardinal du Perron et de M. Coëffeteau, qui sortant de leurs mains aurait eu un continuel commerce de conférence et de conversation avec tout ce qu'il y a eu d'excellents hommes à Paris en ce genre, et qui aurait vieilli dans la lecture de tous les bons Auteurs. Mais quoi qu'il en soit, il est certain qu'il ne se peut guère proposer de doute, de difficulté, ou de question soit pour les mots, ou pour les phrases, ou pour la syntaxe, dont la décision ne soit fidèlement rapportée dans ces Remarques. 2. Je sais bien qu'elle ne se trouvera pas toujours conforme au sentiment de quelques particuliers, mais il est juste qu'ils subissent la loi générale, s'ils ne veulent subir la censure générale, et pécher contre le premier principe des langues, qui est de suivre l'Usage, et non son propre sens, qui doit toujours être suspect à chaque particulier en toutes choses, quand il est contraire au sentiment universel. 3. Sur quoi il faut que je dise que je ne puis assez m'étonner de tant d'excellents Écrivains, qui se sont opiniâtrés à user, ou à s'abstenir de certaines locutions contre l'opinion de tout le monde. Et le comble de mon étonnement est qu'un vice si déraisonnable s'est rendu si commun parmi eux, que je ne vois presque personne qui en soit exempt. Les uns par exemple s'obstinent à faire pourpre masculin, quand il signifie la pourpre des Rois, ou des Princes de l'Église, quoique toute la Cour, et tous les Auteurs le fassent en ce sens-là de l'autre genre. Les autres suppriment le relatif, comme quand ils écrivent "J'ai dit au Roi que j'avais le plus beau cheval du monde, je le fais venir pour lui donner", au lieu de "pour le lui donner", quoique ce pronom relatif y soit si absolument nécessaire selon la Remarque que nous en avons faite, que si l'on ne le met, non seulement on ne dit point ce que l'on veut dire, mais il n'y a point de sens, et quoique outre cela