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et acquièrent une pureté de langage et de style, qu'on n'apprend que dans les bons Auteurs. Il suffira donc, dira quelqu'un, de lire les bons livres pour exceller en l'un et en l'autre, et les Provinciaux ni les Étrangers n'auront que faire de venir chercher à la Cour ce qu'ils peuvent trouver dans leur étude plus commodément et en plus grande perfection. Je réponds que pour ce qui est de parler, on sait bien que la lecture ne saurait suffire, tant parce que la bonne prononciation qui est une partie essentielle des langues vivantes, veut que l'on hante la Cour, qu'à cause que la Cour est la seule école d'une infinité de termes, qui entrent à toute heure dans la conversation et dans la pratique du monde, et rarement dans les livres. 6. Mais pour ce qui est d'écrire, je ne nie pas qu'une personne qui ne lirait que de bons auteurs, se formant sur de si parfaits modèles, ne peut lui-même devenir un bon Auteur; et depuis que la langue latine est morte, tant d'illustres Écrivains qui l'ont fait revivre et refleurir, l'ont-ils pu faire autrement? Le Cardinal Bembo à qui la langue italienne est si redevable, et qui n'a pas terni l'éclat de sa pourpre parmi la poussière de la Grammaire, a observé que presque tous les meilleurs Auteurs de sa langue, n'ont pas été ceux qui étaient nés dans la pureté du langage, et cela par cette seule raison, qu'il n'y a jamais eu de lieu au monde, non pas même Athènes ni Rome, où le langage ait été si pur, qu'il ne s'y soit mêlé quelques défauts, et qu'il est comme impossible, que ceux à qui ils sont naturels n'en laissent couler dans leurs écrits. Au lieu que les autres ont cet avantage, que se défiant continuellement des vices de leur terroir, ils se sont attachés à des patrons excellents qu'ils se sont proposé d'imiter, et qu'ils ont souvent surpassé prenant de chacun ce qu'il avait de meilleur. 7. Il est vrai que d'ajouter à la lecture, la fréquentation de la Cour et des gens savants en la langue, est encore tout autre chose, puisque tout le secret pour acquérir la perfection de bien écrire et de bien parler, ne consiste qu'à joindre ces trois moyens