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ou bien par une aversion qu'ils ont pour d'autres mots ou d'autres termes qui sont bons, et que tout le monde approuve; les autres, par négligence; les autres, pour ne savoir pas tous les secrets de la langue. Car qui se peut vanter de les savoir? Et les autres, par une autorité qu'ils croient que leur réputation leur a acquise, s'attachent, comme j'ai dit, à leur propre sentiment contre l'opinion commune. 3. C'est pourquoi j'ai toujours cru qu'il n'y avait point de meilleur remède pour ne point faire de faute, ou plutôt pour n'en guère faire, que de communiquer ce que l'on écrit, avant que de le mettre au jour. Mais quand je dis communiquer, je l'entends de la bonne sorte, que ce soit pour chercher la censure et non pas la louange, quoiqu'il soit également juste de donner et de recevoir l'un et l'autre quand ils sont bien fondés. Il est vrai que pour cela, il faut s'adresser à des personnes intelligentes et fidèles, et les prier avec autant de sincérité qu'ils en doivent avoir à dire franchement leur avis. Car que sert de dissimuler? Il y a encore plus de gens qui donnent leur avis avec franchise qu'il y en a qui le demande de cette sorte. Je ne voudrais pas que le Censeur ouît lire, mais qu'il lût lui-même, la censure des yeux, comme chacun sait, étant bien plus exacte et plus assurée que celle de l'oreille, à qui il est très aisé d'imposer, ni qu'on lût en compagnie. Mais chacun à part. 4. Et quand ceux que j'aurais consultés me diraient leur avis, si je voyais qu'ils eussent raison de me reprendre, je passerais franchement condamnation. Car un homme du métier, s'il n'est bien préoccupé et aveuglé de l'amour propre, connaît aussitôt s'il a tort. Que si l'on croit avoir la raison de son côté, il ne la faut pas abandonner par une lâche complaisance, mais s'enquérir d'autres personnes capables, et si plusieurs nous condamnent, quelque bonne opinion que nous ayons de notre sentiment, il faut y renoncer et se soumettre à celui d'autrui. C'est comme j'en ai usé dans ces Remarques. Car encore que j'aie été très fidèle et très religieux à rapporter la vérité,