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principes qui n'auront pas moins de durée que notre langue et notre et notre Empire. Car il sera composé de la pluralité des voix, et le bon de la plus saine partie de la Cour, et des Écrivains du temps. Qu'il faudra toujours parler et écrire selon l'Usage qui se forme de la Cour et des Auteurs, et que lorsqu'il sera douteux ou inconnu, il en faudra croire les maîtres de la langue, et les meilleurs Écrivains. Ce sont des maximes à ne changer jamais, et qui pourront servir à la postérité de même qu'à ceux qui vivent aujourd'hui, et quand on changera quelque chose de l'Usage que j'ai remarqué, ce sera encore selon ces mêmes Remarques que l'on parlera et que l'on écrira autrement, pour ce regard, que ces Remarques ne portent. Il sera toujours vrai aussi que les Règles que je donne pour la netteté du langage ou du style subsisteront, sans jamais recevoir de changement. Outre qu'en la construction Grammaticale les changements y sont beaucoup moins fréquents qu'aux mots et aux phrases.

À tout ce que je viens de dire en faveur de mes Remarques contre le changement de l'Usage, un de nos Maîtres ajoute encore une raison, qui ne peut pas venir d'un esprit, ni d'une suffisance vulgaire. Il soutient que quand une langue a nombre et cadences en ses périodes, comme la française l'a maintenant, elle est en sa perfection, et qu'étant venue à ce point, on en pleut donner des règles certaines, qui dureront toujours. Il appuie son opinion sur l'exemple de la langue latine, et dit que les règles que Cicéron a observées, et toutes les dictions et toutes les phrases dont il s'est servi, étaient aussi bonnes et aussi estimées du temps de Sénèque, que quatre-vingts ou cent ans auparavant, quoique du temps de Sénèque on ne parlât pas comme au siècle de Cicéron, et que la langue fût extrêmement déchue. Mais comme il se