Page:Vaugelas - Remarques sur la langue françoise, tome 1, 1880.djvu/107

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tous les caractères? Après cela, oserait-on dire, comme ils disent, car je ne rapporterai que leurs propres termes, que de s'occuper à ces matières soit un indice assuré de grande bassesse d'esprit, et que ceux dont le Génie n'a rien de plus à cœur que cet examen scrupuleux de paroles, et j'ose dire de syllabes, ne sont pas pour réussir noblement aux choses sérieuses, ni pour arriver jamais à la magnificence des pensées? Appellera-t-on ces Observations, comme ils font, de vaines subtilités, des scrupules impertinents, des superstitions puériles, des imaginations ridicules, des contraintes serviles, et en un mot des bagatelles? Dira-t-on avec eux que c'est une gêne que l'on s'impose, et que l'on veut donner aux autres? Dira-t-on que ces Remarques n'ont rien à quoi un esprit, s'il n'est fort petit, se puisse attacher, et qu'elles sont capables de nous faire perdre la meilleure partie de notre langage, et que si l'on ne s'opposait pas aux vaines imaginations de ces esprits, qui croient mériter beaucoup par ces sortes de subtilités, il ne faudrait plus parler du bon sens? Et encore après tout cela ils ajoutent qu'ils n'oseraient s'expliquer de ce qu'ils pensent de tant de belles maximes. Quoi? N'en ont-ils point assez dit? Que peuvent-ils dire ni penser de pis sur ce sujet? Enfin dira-t-on avec eux que c'est une grande misère de s'asservir de telle sorte aux paroles, que ce soin préjudicie à l'expression de nos pensées, et que pour éviter une diction mauvaise ou douteuse, on soit contraint de renoncer aux meilleures conceptions du monde, et d'abandonner ce qu'on a de meilleur dans l'esprit, et mille autres choses semblables qui sont importunes à rapporter. Il faut donc que ces Messieurs aient perdu ou supprimé leurs plus belles conceptions dans ces Ouvrages qu'ils ont faits contre mes Remarques, puisqu'ils ont eu grand soin de n'y mettre point de mauvais mots, en quoi il se voit que leur pratique ne s'accorde pas avec leur théorie. Qui a jamais ouï dire que la pureté du langage nous empêche d'exprimer nos pensées? Les deux plus éloquents hommes qui furent jamais, et dont le langage était si pur, Démosthène et Cicéron,