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où depuis ils ont été admis, et sont entrés si avant, qu'ils ont pris des sentiments tout contraires. Mais en attendant qu'ils aient le loisir ou l'occasion d'en rendre un témoignage public, je ne dois pas dissimuler qu'ils ont fait un mal qui demande un prompt remède, à cause que leurs Livres, qui ont le cours et l'estime qu'ils méritent, peuvent faire une mauvaise impression dans les esprits, et retarder en quelques-uns le fruit légitime de ce travail. 2. Il ne faut qu'un mot pour détruire tout ce qu'ils disent, c'est l'Usage. Car toute cette pureté à qui ils en veulent tant ne consiste qu'à user de mots et de phrases qui soient du bon Usage. Il s'ensuit donc que, s'il n'importe pas de garder cette pureté, il n'importe pas non plus de parler ou d'écrire contre le bon Usage. Y a-t-il quelqu'un qui osât dire cela? Il n'y a que ces Messieurs, qui donnent au peuple, comme j'ai dit, l'empire absolu du langage, et qui dans tous ces beaux raisonnements qu'ils font sur la langue, ne parlent jamais de l'Usage, semblables à ceux qui traiteraient de l'Architecture sans parler du niveau ni de l'équerre, ou de la Géométrie pratique sans dire un seul mot de la règle ni du compas. Puisque donc le bon Usage est le Maître, faut-il prendre à partie ceux qui rendent ce service au public de remarquer les mots et les phrases qui ne sont pas de cet usage, sont-ce eux qui font le bon ou le mauvais usage comme ils veulent? Au contraire, bien souvent, quand un mot ou une façon de parler est condamnée par le bon Usage, ils y ont autant de regret que ceux qui s'en plaignent. Mais quoi? il faut se soumettre malgré qu'on en ait, à cette puissance souveraine. Que s'ils s'opiniâtrent à ne le pas faire, ils en verront le succès, et quel rang on leur donnera parmi les Écrivains. Il ne faut qu'un mauvais mot pour faire mépriser une personne dans une Compagnie, pour décrier un Prédicateur, un Avocat, un Écrivain. Enfin, un mauvais mot, parce qu'il est aisé à remarquer, est capable de faire plus de tort qu'un mauvais raisonnement, dont peu de gens s'aperçoivent, quoiqu'il n'y ait nulle comparaison de l'un à