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déclaration assez ample au commencement de cette Préface. 2. Pour moi, j'ai cru jusqu'ici que dans la vie civile, et dans le commerce ordinaire du monde, il n'était pas permis aux honnêtes gens de parler jamais autrement que dans le bon usage, ni aux bons Écrivains d'écrire autrement aussi que dans le bon Usage. Je dis en quelque style qu'ils écrivent, sans même en excepter le bas. Mais bien que ce sentiment que j'ai du langage et du style m'ait toujours semblé véritable, néanmoins comme on se doit défier de soi-même, j'ai voulu savoir l'opinion de nos Maîtres, qui en demeurent tous d'accord. 3. Ainsi, ce bon Usage se trouvera de grande étendue, puisqu'il comprend tout le langage des honnêtes gens, et tous les styles des bons Écrivains, et que le mauvais Usage est renfermé dans le Burlesque, dans le Comique en sa propre signification, comme nous avons dit, et le Satyrique, qui sont trois genres où si peu de gens s'occupent, qu'il n'y a nulle proportion entre l'étendue de l'un et de l'autre. Et il ne faut pas croire, comme font plusieurs, que dans la conversation, et dans les Compagnies, il soit permis de dire en raillant un mauvais mot, et que ne soit pas du bon usage. Ou si on le dit, il faut avoir un grand soin de faire connaître par le ton de la voix et par l'action, qu'on le dit pour rire. Car autrement, cela ferait tort à celui qui l'aurait dit, et de plus il ne faut pas en faire métier, on se rendrait insupportable parmi les gens de la Cour et de condition, qui ne sont pas accoutumés à ces sortes de mots. Cen 'est pas de cette façon qu'il se faut imaginer qu'on l'on passe pour homme de bonne compagnie. Entre les fausses galanteries, celle-ci est des premières, et j'ai vu souvent des gens qui, usant de ces termes et faisant rire le monde, ont cru avoir réussi et néanmoins on se riait d'eux, et l'on ne riait pas de ce qu'ils avaient dit, comme on rit des choses agréables et plaisantes. Par exemple, ils disaient "boutez-vous là" pour dire "mettez-vous là", "ne démarrez point", pour dire "ne bougez de votre place", et le disaient en raillant, sachant bien que c'était mal parler, et ceux mêmes qui l'entendaient ne doutaient