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CHEZAL-BENOÎT


avec les restes des malades. On raconte qu’un jour où ces reliefs étaient plus maigres qu’à l’ordinaire et plus rebutants, il les dissimula soigneusement sous son grand paletot ; puis, faisant à Georges Mayer un signe d’intelligence : « Venez, lui dit-il, il y en a pour deux. »

Ainsi, le saint enfant préludait à ces effroyables mortifications que nous devrons révéler à la fin de sa vie.

Déjà, avec de vieilles cordes, il s’était fabriqué une discipline ; et, ne trouvant pas que les nœuds fussent assez durs, il les avait garnis de fils de fer aigus. Nous savons que, lui non plus, ne frappait point en l’air, mais qu’à l’exemple de saint Paul, il châtiait son corps et le réduisait en servitude[1] . « Soyez sûr, nous écrit son plus intime confident, qu’il a emporté au ciel la robe de son baptême. » Sera-t-on surpris maintenant qu’entre le directeur de la Petite-Œuvre et ce béni enfant il y eût une intimité profonde ? Le Père, lui aussi, encore bien qu’il le cachât soigneusement à tous les regards, était avide d’immolation. Ce que le P. Lacordaire faisait devant un Frère convers, le P. Marie le faisait devant Henry Verjus. Il se mettait à ses genoux, lui baisait les pieds et lui commandait de le châtier pour l’amour de Dieu. Puis, il découvrait ses épaules, et, bon gré mal gré, il fallait lui donner la discipline. « Les forces, écrit l’enfant dans son Journal, me manquèrent une première fois. Cet exemple d’humilité de la part de mon supérieur me transporta de colère contre mon orgueil, et je résolus de l’abattre. Le P. Marie, quel saint !... Et, pour moi, quelle grâce ! »

Cependant, l’épidémie qui avait désorganisé la Petite-Œuvre sévissait toujours. On transporta les malades, dans les premiers jours de janvier 1877, à Issoudun. On espérait qu’un changement d’air et de régime aurait enfin raison du mal. Tandis que les infirmes et les convalescents se reposaient à l’ombre de la Basilique du Sacré-Cœur, Henry Verjus, sans client désormais, reprit tranquillement

  1. I Cor., ix, 26, 27. — Sic pugno, non quasi aerem verberans ; sed castigo corpus meum et in servitutem redigo.