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OLEGGIO. SEYNOD. ANNECY

mieux engagée et ne la reprenait que lorsqu’il avait séché les larmes. Aussi, comme on l’aimait !

III

Après le jeu, l’un des plus doux passe-temps d’Henry Verjus était de construire de petits oratoires. Il les recouvrait de branches vertes et les décorait à l’intérieur de figurines d’un art plus ou moins rudimentaire, auxquelles il donnait, suivant le plus ou moins de vraisemblance, le nom de saint Joseph ou de saint François de Sales. Quelquefois il s’exerçait devant ses chapelles à dire la messe. Le plus souvent, revêtu, en guise de surplis, d’une camisole blanche de sa mère, il montait sur une chaise et répétait avec le plus grand sérieux du monde les sermons de M. le curé. Un lendemain de lessive, il s’empare du cuvier. Voilà qui vaut mieux pour la prédication qu’une chaise ! Et puis, tout à son aise, comme faisait sans doute le bon curé lui-même, il pourra frapper sur le rebord. Dans un mouvement d’éloquence frappa-t-il trop fort ? Toujours est-il qu’en un clin d’œil l’orateur se trouva sous la chaire, au grand effroi de son auditoire. On relève le cuvier. Henry souriait de son bon sourire.

M. Viannay, curé de Seynod, aimait les enfants. De bonne heure il distingua Henry Verjus. L’enfant n’avait pas trois ans. Un jour que le bon prêtre visitait l’école des garçons, un peu courbé et appuyé sur une canne, Henry va droit à sa rencontre : « Monsieur le curé, pourquoi donc as-tu un bâton ? — Petit curieux, c’est pour corriger les méchants. Tiens ! tiens ! — Ah ! tu crois, monsieur le curé, que je vais me laisser battre… » Et l’enfant saisit une de ces baguettes dont on se sert dans les classes enfantines pour faire épeler l’alphabet. Puis se dressant : « À nous deux, monsieur le curé ! Tu verras si j’ai peur. » M. Viannay se prit à rire et fut désarmé. Depuis lors, à chaque entrevue, c’était entre l’enfant et le vieillard une partie d’escrime, une rencontre à l’épée.