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À LA CONQUÊTE D’UN MONDE

grande Thérèse : « vie longue ! ô vie pénible ! ô vie dans laquelle on ne vit pas ! ô solitude trop seule ! ô Jésus, ô mon bien ! que la vie de l’homme est longue, quoi qu’on dise qu’elle soit courte ! Je me meurs de ne pouvoir mourir. » Vous voyez bien qu’il y a des âmes célestes. Le P. Verjus est de leur race. Pour se détacher de plus en plus, pour guérir des fièvres malsaines d’une chair jamais domptée, pour se spiritualiser tous les jours davantage et calmer en même temps sa soif de souffrances, il multiplie les disciplines, se met en croix, se roule dans les épines. D’ailleurs, ce n’est que par le sang que l’on fera la conquête de ce nouveau monde, la Nouvelle-Guinée. Mais toujours la question terrible se dresse : Comment y aborder ?

Tout d’abord et de toutes parts, on a essayé de détourner les Missionnaires de leur projet. Le climat de la grande ile est meurtrier. De plus, les sauvages sont les plus cruelles gens qu’il y ait au monde. Le P. Verjus répondait : « J’ai au fond du cœur que le premier Missionnaire de Nouvelle-Guinée doit être croqué, broyé, pour que la Mission réussisse. Comme je ne suis guère bon qu’à cela, je serai dans mon élément[1] » Une autre fois, il écrivait : « Voir la Nouvelle-Guinée, y travailler beaucoup et mourir[2] ! » Mais encore faut-il pouvoir y aborder. Outre qu’une loi interdit formellement d’entrer dans l’ile, personne ne veut conduire les Missionnaires.

Il faudrait acheter un bateau. On n’en trouve pas à vendre ; et, d’ailleurs, point d’argent pour le payer. Alors, il en faut construire un. « Mon Dieu, qui avez instruit les constructeurs du tabernacle et de l’arche, aidez-moi[3]. » Essayons d’abord la construction d’une barque, pour nous faire la main ; nous ferons un bateau ensuite, dit le P. Verjus. Et il se met à l’ouvrage.

La barque est faite. Il faut un mât. Il abat un arbre dans la forêt et il l’apporte sur ses épaules. « J’ai pensé au bon

  1. Journal, 11 mai.
  2. Lettre au P. Jouët, 22 avril 1885.
  3. Journal, 4 mars.