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MARSEILLE. EN MER. THURSDAY.

vailler pour lui. Il faut que je ressemble maintenant à Notre-Seigneur prêchant. Avec quelle sainte compassion, avec quelle miséricorde il eût accueilli nos Papous !… Quand nous serons en Nouvelle-Guinée, ce sera le comble[1]. »

Hélas ! À mesure qu’on approche d’elle, la Nouvelle-Guinée paraît s’éloigner sur les flots et s’enfuir. Comment faire pour y aborder ?

Parfois, le temps lui dure. Un jour, pendant une retraite, il écrit : « La mort… Mon Dieu, quand je médite ce sujet, je me sens heureux, parce qu’il me semble que pour moi la mort sera l’arrivée. Je suis mal, par ici, sur cette terre. N’étaient les âmes à gagner, je m’y ennuierais. Ah ! si la mort vient à moi avec une croix, avec quel amour je l’embrasserai ! Il me tarde de voir clair. Tout me semble obscur, tout me semble à l’envers. Dieu, le seul objet digne de notre attention et de notre amour, est le seul oublié ! Mon Dieu, la mort ! la mort pour votre gloire, et tous mes vœux seront accomplis. Je pousserai, en mourant martyr de votre sainte cause, le même profond soupir de soulagement que j’ai poussé malgré moi, à la nouvelle de mon départ pour les Missions[2]. »

Comme il est bien exprimé dans cette page, le sentiment de l’exil : « Je suis mal sur la terre… La mort sera l’arrivée… Mon Dieu, la mort pour votre gloire ! » Les âmes terrestres s’acclimatent facilement sur la terre et s’en accommodent. Il y a des âmes célestes. Elles souffrent dans la prison de leur chair, agitent leurs ailes, se blessent aux barreaux et pleurent. Larmes immortelles. À lire le P. Verjus, on se souvient de ce cri du Psalmiste : « Oh ! que je suis malheureux, tant mon exil se prolonge[3] ! » On revoit par la pensée les filles de Sion assises auprès des fleuves de Babylone. On entend leur psalmodie gémissante. On se trouble à leurs plaintes comme à cette clameur de la

  1. Journal, passim.
  2. Ibid., 8 avril.
  3. Ps. cxix, 5. — Heu mihi quia incolatus meus prolongatus est !