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MARSEILLE. EN MER. THURSDAY.

pour travailler, porter le charbon et les bagages. Oh ! qu’ils sont malheureux ! Pourquoi ces travaux ? Pour gagner, à coups de pied et de bâton, un méchant morceau de pain qu’ils ne pouvaient manger sans pleurer. Et moi aussi, je pleurais. Les blancs les maltraitaient. Je me suis mis au milieu d’eux pour les défendre et j’ai eu la consolation de réussir. À l’un je donnai une petite aumône. Il me remercia en portant la main au front d’abord, puis en la levant au Ciel, comme pour me dire : « Merci, prêtre blanc ! Je « ne connais pas ta langue pour t’exprimer ma gratitude, « mais Dieu te récompensera[1]. »

Dans cette voix mouillée de larmes et dans ce cœur on entend comme un écho de la voix et comme un battement du cœur de Pierre Claver, « esclave des nègres pour toujours ».

Le 9 décembre, à l’île Bourbon, comme le Père s’apprêtait à descendre pour dire la sainte messe, voici que le P. Couppé monte à bord. Quelle surprise ! On le croyait arrivé à Sydney et le voici à Bourbon ! Les deux Pères se jettent dans les bras l’un de l’autre. Le P. Couppé, lui aussi, est tombé malade. La fièvre typhoïde l’a pris à Aden, il y a un mois. On l’a descendu à Bourbon, presque mourant, et porté à l’hôpital. On l’a administré le 15 novembre. Puis, peu à peu, il est entré en convalescence. Il a appris le passage de la malle et la présence du P. Verjus. Il lui faut encore un mois de repos. Le P. Verjus va rester près de lui et ils repartiront ensemble[2]. Le P. Navarre apprendra ces nouvelles à Sydney et il écrira au T. R. P. Chevalier : « Le Seigneur nous touche tout de bon du bois de sa croix. Réjouissons-nous d’entrer ainsi dans l’ordre divin : Qui salutem humani generis in ligno crucis constituisti ; et espérons que, semant dans les larmes et les épreuves, nous moissonnerons un jour dans la joie et l’allégresse[3]. »

  1. 5 décembre 1884.
  2. Lettre à M. le Dr Audibert. Bourbon, 6 janvier 1885.
  3. Annales de Notre-Dame du Sacré-Cœur, mars 1885.