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LE SCOLASTICAT

pour l’apprendre. « Heureusement, ajoutait-il, je n’aurai jamais à prêcher qu’aux sauvages ; sans quoi il faudrait désespérer. » Une fois prêtre, il en va tout autrement. Sans doute la préparation lui coûtera toujours ; il écrira même que de monter en chaire c’est un martyre[1]. Toutefois il acquerra vite assez de facilité pour prêcher d’abondance au gré et au profit de ses auditeurs. La veille d’une fête, le supérieur l’appelle et lui dit : « C’est vous qui prêcherez demain. » Le Père vit tout de suite que c’était sérieux. Il en pleura, tant la chose lui paraissait invraisemblable et impossible. Quand il eut bien pleuré, il s’en alla aux pieds de la statue de Notre-Dame du Sacré-Cœur. Là, il pria longuement, puis rentra à la sacristie. Une fois assis à la petite table où les fidèles, à chaque instant, venaient le déranger, il laissa tomber sa tête entre ses mains, réfléchit un peu ; puis, soudainement, la plume courut sur le papier avec une rapidité vertigineuse. Les idées s’agençaient comme d’elles-mêmes, dans une correction suffisante. Le sermon était fait. Le Père eut à l’apprendre la même facilité qu’à l’écrire. Il n’en revenait pas et disait : « C’est à n’y rien comprendre. J’ai prié la sainte Vierge. Tout coule de source, et ma mémoire est excellente. » On dit qu’il garda cette facilité depuis lors. Voici comment l’appréciait un de ses confrères de Rome : « Dès le commencement, la parole du P. Verjus se distingua entre toutes. Plusieurs des nôtres connaissaient mieux que lui la langue italienne et mieux que lui savaient ordonner un discours ; mais aucun ne prêchait avec cette foi, cette chaleur, cette onction. La phrase était souvent rude, même incorrecte et sentait l’étranger ; mais elle pénétrait dans les âmes, et un geste vif, presque impérieux, achevait de l’y enfoncer. Difficilement on aurait soupçonné dans ce jeune prêtre un débutant. » Il prêcha souvent dans cette année 1884, presque tous les jeudis d’abord aux réunions de l’Archiconfrérie de Notre-Dame du Sacré-

  1. 10 janvier 1884. — Ce qui ne l’empêchera pas de prendre la résolution de ne jamais refuser de prêcher.