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LE SCOLASTICAT

Mon Dieu ! Mon Dieu ! » C’est là ce qu’il écrit dans son Journal sous le coup de la première émotion. Un mois plus tard, dans une lettre à son ami le plus intime, il donnera de familiers et charmants détails :

« Figurez-vous, mon bien cher Père, que, le 9 octobre dernier, toute la communauté se mit en retraite, excepté votre serviteur. Mon étonnement ne fut pas petit… Et, tout aussitôt, dans ma tête, je me mis à forger mille hypothèses ; mais, je suis mauvais forgeron, car la seule hypothèse que je ne forgeai pas était la seule vraie.

« Le 17 au matin, jour de la fête de notre chère Bienheureuse, pendant que j’étais à la cuisine à faire des brioches (vous saurez qu’en ma qualité de recteur des Frères laïques, je suis un peu professeur de cuisine), on me vint quérir au nom du R.Père supérieur. Je m’empresse, tout enfariné.

« C’était la grande nouvelle : « Mon cher enfant, me dit le R. P. Jouet, il faut vous préparer à être prêtre sous peu. »

« Cette parole me fit l’effet du glaive dont parle saint Paul : Pertingens usque ad divisionem anîmæ[1]. Elle marqua un point dans ma vie après lequel je soupirais, vous savez comment et depuis quand !

« Après l’avoir entendue, il me sembla que j’étais dans un monde nouveau et que tout mon passé était bien loin derrière moi. Mon premier mouvement fut d’aller remercier Notre-Seigneur et Notre-Dame du Sacré-Cœur. Cette grâce que j’avais attendue depuis si longtemps et, je l’avoue même, avec une sorte d’impatience, il me semblait qu’elle était arrivée trop tôt… Je retournai à la cuisine. Je fus tout étonné de retrouver mes brioches en place. C’était bien de brioches qu’alors il s’agissait !… On s’y remit pourtant, vous pensez avec quelle joie ! Il me semblait être plus près du bon Dieu que jamais. Je pensais à la sainte messe, à l’union intime du prêtre avec Jésus, et

  1. Il atteint jusqu’à la division de l’âme.