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LE SCOLASTICAT

Une autre de ses joies fut une excursion à Ostie. Ce qui l’attirait, c’était moins la vaste et morne solitude où roulent silencieusement, entre de maigres broussailles, les eaux jaunâtres du Tibre et que traversent çà et là destroupeaux de bœufs et de chevaux conduits par des pâtres farouches ; c’était moins le souvenir à demi effacé de la grande ville, autrefois l’une des plus affairées du monde et des plus tumultueuses, et muette aujourd’hui et morte, que le souvenir toujours vivant de saint Augustin et de sa mère. Assis à la fenêtre d’une hôtellerie ; la main dans la main, les yeux au ciel et plus encore le cœur ; montant de la triste région des larmes, par delà les mers, les montagnes et les soleils, au pays de l’éternelle beauté, ils furent ravis. Là, sans doute, au seuil de l’église ou parmi les ruines, on relut la page d’Augustin. Elle est sublime. Pas n’était besoin du pinceau d’Ary Scheffer pour représenter cette scène idéale ; la plume du « fils de tant de larmes » y suffisait pour tous les siècles. Aussi bien la page des Confessions, seule de tout le passé, a survécu, dans son immortelle et radieuse jeunesse. « Vive Jésus ! écrivit le lendemain[1] le frère Verjus. Bonne journée. Mon âme s’est dilatée. J’ai parlé de mes chères Missions à cœur joie. »

Un jour, dans la crypte de Saint-Pierre, il assiste à la messe d’un Père du Saint-Esprit, Missionnaire à Zanzibar. Le Père était accompagné d’un naturel devenu prêtre. Il est heureux de leur baiser la main. « Quand donc aurons-nous, disait-il, un clergé indigène ? Mon Dieu, préparez-le dès maintenant[2]. » Ces rencontres de Missionnaires le transportaient. « Nous avions aujourd’hui la visite de Mgr Guillemin, évêque de Canton. C’est bien là le saint et zélé Missionnaire que je rêve, dévoué jusqu’à se dépouiller de tout pour son troupeau, ne désirant que la gloire de Dieu et l’oubli de soi-même[3]. » Quelques jours plus tard, c’était le tour du cardinal Lavigerie.

  1. 13-14 février 1882.
  2. 23 mars 1182.
  3. 16 juin.