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ROME

Son frère aîné, John-Mary, Missionnaire du Sacré-Cœur, belle intelligence, âme fervente, avant de s’embarquer pour notre maison de Watertown, en Amérique, où il est mort le 14 janvier 1879, avait amené William à Issoudun.

C’était un jeune homme très pur. Des yeux bleus, brillants et doux ; le front haut et bombé, éclairé de lumière vive. William avait de rares aptitudes pour les études philosophiques. C’était à lui de préférence que ses condisciples s’adressaient dans leurs difficultés de psychologie ou d’ontologie. La blancheur maladive de ses joues s’empourprait souvent d’une rougeur légère qui lui montait du fond de l’âme, suivant le beau mot d’un ancien : Adeo illi ex alto suffusus est rubor[1]. Le frère Neenan souffrait depuis longtemps d’une bronchite chronique qui le minait peu à peu.

Il a vingt ans. Il va mourir. Le frère Verjus est à ses côtés. « Frère, dit le malade, je veux faire un pacte avec vous. — Que voulez-vous de moi, mon bien cher Frère ? — Voici : Toutes les fois que je vous demanderai quelque chose que vous jugerez ne pas me convenir, refusez et rappelez-moi que je veux obéir en tout. » Le Jeudi saint, la température était belle ; il y avait dans l’air des souffles de printemps. Par suite d’une accalmie, le malade eut un instant l’illusion d’un renouveau. « A Pâques, disait-il, je serai debout. » L’illusion dura peu. Le temps se couvrit. Le malade s’affaissa. « Je viens, lui dit son infirmier, de visiter les reposoirs du Jeudi saint, les Paradis. Si vous saviez comme les chants étaient beaux au Gesù Seriez-vous content, mon cher Frère, d’aller voir le vrai Paradis ? — Oh ! oui, dit-il, très content. Mais, que la volonté de Dieu soit faite… toujours… partout… toujours… partout ! » Et il ajouta : « Peut-être ne pourrai-je pas par moi-même demander pardon à mes Pères et à mes Frères, à toute la communauté, faites-le pour moi…

  1. Sénèque dans une lettre à Lucilius.