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PRÉFACE


seignements de seconde ou même de troisième main ; il veut boire aux sources vives. La légende l’intéresse toujours, mais seulement à titre de légende : il demande qu’on la démêle de l’histoire. Nous vous faisons grâce des généralités vagues ; mais donnez-nous des détails, des particularités, des faits et encore des faits. Prenez garde néanmoins d’étouffer le personnage sous l’amas d’événements collatéraux : — j’entends dire que c’est le défaut de l’hagiographie allemande. Choisissez vos matériaux ; ordonnez-les, et racontez : c’est ici le lieu de déployer toutes vos qualités de style et d’âme. Surtout, ne retardez pas votre récit par de fastidieuses réflexions. « Il faut un peu, disait Fénelon, laisser remarquer les choses à l’auditeur. »

Ce qui, jusqu’à ces derniers temps, a manqué aux familles chrétiennes, c’est une « collection » de Vies de Saints. Il y avait bien l’anglais Butler, librement traduit par Godescard , et l’espagnol Ribadeneira[1] . Leur œuvre est correcte sans doute, parfois même agréable, mais trop souvent vulgaire, et mesquine presque toujours. La candeur et la naïveté des anciens jours ont disparu ; les fières réponses des premiers moines se sont adoucies. On a poli les aspérités, fait sécher la goutte de rosée, arraché du champ le liseron et le bleuet. Ces compilations ressemblent à une forêt que l’hiver a dépouillée de son feuillage. « Les arbres sont bien à leur place, a-t-on dit justement[2], mais la verdure frémissante, le rayon qui se joue à travers les rameaux en fleurs, la vie qui s’y meut, ont fui avec le charme et le mystère. »

Cependant, le P. Giry ne doit pas être confondu dans la foule des abréviateurs. Quoique panégyriste, au fond, plutôt qu’historien, le pieux Minime n’est pas dépourvu de tout mérite.

Reste l’immense collection des Acta Sanctorum. Évidemment, il ne viendra à la pensée de personne que l’œuvre

  1. Nous pourrions nommer encore Mezenguy et Baillet ; mais le premier a été l’un des plus décidés jansénistes du dix-huitième siècle, et les Vies des Saints du second, au moins le T. Ier, et le T. IIe, sont à l’index.
  2. M. l’abbé Blampignon, dans le Correspondant du 25 juillet 1864.