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A TRAVERS LES OCÉANS

place en place des gradins, à cause des pluies abondantes de ces parages, lesquelles entraînaient la terre meuble jusque dans le port. Pendant les cinq jours que mirent les Pères à explorer la colonie, la pluie ne cessa guère de tomber, et d’épais brouillards s’élevaient des grands bois. C’était triste. Ajoutez qu’on n’entendait que l’aboiement des bêtes sauvages et la voix d’un oiseau de la grosseur et de la couleur d’une grive, que les naturels appellent de son cri : « cao ». Ce cri dur, entendu seul la nuit par intervalles, était lugubre. Cependant, un ruisseau coulait dans un vallon qui aboutissait au port. Des huttes en paille ou en ramée au milieu d’un jardinet avaient été construites par les colons. Quelques-uns, à en juger par les arbres gigantesques qu’ils avaient abattus, avaient beaucoup travaillé. Mais, le ruisseau débordant la vallée, il était impossible de faire en cet endroit une exploitation agricole sérieuse. Le port, d’un bon ancrage, n’était pas suffisant non plus pour une colonie. A quelques milles au delà, en Blanche-Baie, on aurait trouvé, au milieu des sites les plus beaux, un sol fertile, facile à cultiver, et là, avec moins de monde et moins d’argent, on aurait pu créer une exploitation florissante. La franc-maçonnerie ne l’a pas voulu.

Les Pères avaient dit un De Profundis sur la tombe des colons morts dans la colonie et célébré pour eux le saint sacrifice. Il s’agissait de partir. Le capitaine leur proposa de s’installer dans le bâtiment de la colonie. Ils avaient là, du premier jour, un vaste logement pour s’abriter et des planches pour construire une chapelle. De plus, le capitaine prétendait que le vent et la mer étaient devenus contraires et qu’il ne pouvait tenir sa promesse de les conduire à Béridni. Il devait revenir sur ses pas jusqu’au sud de la Nouvelle-Irlande et longer la côte est… Que s’ils ne voulaient pas se fixer à Port-Breton, il serait contraint de les déposer n’importe où, dans quelque ile sur la route des vagues, ou les emmener jusqu’à Manille. Il lui semblait que la présence des Missionnaires du Sacré-Cœur dans l’ancienne colonie de Port-Breton aurait effacé toutes les