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L’EXIL


« Une idée grande et terrible, pleine de joie et de je ne sais quelle mélancolie me poursuit... J’approche de l’antépénultième étape de ma vie... Me voici à huit jours de mes grands vœux. Après cela, je n’ai plus qu’à me préparer à ma première messe et à mon départ. Le martyre viendra clore tout... Et me voilà, pour toute préparation, plus tiède, plus immortifié, plus paresseux et plus apathique que jamais ! Ô mon Dieu, sans vous je ne puis rien, et cependant il est de la plus haute importance que ce grand acte de ma vie se fasse dans votre amour et le recueillement[1]. » — « Il faut donc que je rentre en moi-même, que je devienne plus sérieux, plus perdu en Dieu. Tout pour moi est manqué jusqu’ici. Je n’ai fait que des ébauches[2]. »

Sans doute ; mais avouons que ces ébauches sont dignes d’un maître.

Régulièrement, il aurait dû et il aurait voulu faire sa profession le 15 février, en la fête de l’Agonie de Notre-Seigneur au Jardin des Olives. Je ne sais pour quelle raison le supérieur local la retarda jusqu’au 19 mars. Il en a souffert, mais sans murmure. « Je l’ai fait pour obéir, je ne regrette rien. » Ces journées préparatoires furent des journées d’épreuves intérieures. Son journal est tout plein de gémissements, d’accusations, de cris vers Notre-Seigneur et Notre-Dame.

« ... Jamais je n’ai eu tant sommeil. Jamais je n’ai été si lourd, si paresseux, parce que jamais je n’ai été si gourmand. (Sa gourmandise, sur laquelle il revient souvent, était de manger trop de pain.) De là, négligence dans la piété, négligence dans le travail, négligence en tout et partout... Je tâcherai, avec la grâce du Sacré Cœur de faire cesser cette tyrannie qui m’opprime et de me remettre à flot[3]. »

« Que de grâces méprisées ! Que de temps perdu ! Que de résolutions manquées ! Que de fautes ! Ô mon

  1. 7 février.
  2. 8 février.
  3. 6 mars.