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L’EXIL

et nous hésitions à attribuer ce bruit à la mer, la voyant, de loin, si calme. Oui, mais au bord, les lames se brisaient contre le rivage avec une force irrésistible et s’étendaient sur le sable avec un bruit d’ouragan. Nous demeurâmes en admiration toute la soirée[1]. » Un autre jour de ce même hiver, il est sur le même rivage. « Ce spectacle, toujours si beau, m’a élevé un peu, et j’ai joui du bonheur que l’on goûte lorsqu’on ne pense plus qu’au ciel et aux âmes… J’ai frémi de désir et de bonheur en pensant qu’un jour, traversant ces grandes eaux, j’irai embrasser mes chers sauvages et les conduire au Cœur de Jésus et à Notre-Dame du Sacré-Cœur[2]. »

On le voit, toujours la pensée des Missions est la note dominante de cette âme. Elle va résonner tout à l’heure plus haut que jamais.

VII

En ce temps-là, un Français, un Breton, avait conçu le projet de créer à l’autre extrémité du globe, aux antipodes du continent que nous habitons, dans les îles sauvages de l’océan Pacifique, une colonie chrétienne, une Nouvelle-France. Seul et sans ressources, il fait appel aux catholiques. Vingt mille adhérents lui répondent. Au gouvernement de son pays il ne demande que la protection des lois et la liberté. L’une et l’autre, disait-il, lui ont été refusées. Il frappe alors à la porte d’une nation amie : l’Espagne lui est hospitalière. Là, à Barcelone, durant deux ans et plus, il essaie de réaliser ses plans et de tenir ses promesses. Quatre navires, chargés de colons et de marins, partent successivement à la conquête de ces terres lointaines. Trahi par la fortune, mal servi par des lieutenants incapables ou infidèles, il succombe. On l’accuse d’avoir, sous prétexte de civilisation chrétienne, de colonisation imaginaire, organisé, sciemment et frauduleusement, une

  1. 5 décembre.
  2. 30 janvier.