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drait pas croire que la manière de faire du jeune religieux ralliât tous les suffrages. On lui reprochait trop de familiarité avec les élèves, trop d’enjouement, voire même de la faiblesse. Joyeusement, avec saint Philippe de Néri, il eût pu répondre aux chagrins et aux moroses : « Laissez-les gronder tant qu’ils voudront. Pour vous, amusez-vous bien ; soyez gais dans le Seigneur Jésus. » Ou encore, avec le même apôtre de la jeunesse : « Pourvu que mes enfants ne fassent point de péchés, je les laisserais me fendre des bûches sur le dos. » Il ne répondait rien. Il se contentait d’écrire dans son Journal : « … Le système de froideur et de crainte qu’on me conseille de tous côtés ne me paraît pas propre à faire des Missionnaires du Sacré-Cœur… Cependant, je ferai des efforts, car ce n’est pas de moi qu’il s’agit, mais de l’autorité[1]. »

La plus unie des familles religieuses et la plus aimante est une société d’hommes, c’est-à-dire de fils d’Adam, et, s’il y a dans la vie des joies profondes, il faut bien qu’on y trouve aussi de quoi souffrir. Plus d’un voulait diriger le Frère, qui n’avait pas mission pour cela. En plusieurs rencontres même, il fut contrecarré ; on le surveillait, on l’épiait. Il avait trop d’influence, disait-on, sur les enfants. D’où pouvait venir cette avidité non pas seulement de sa parole, de ses conseils, — les conseils d’un éducateur qui n’avait pas vingt ans ! — mais de sa personne ? Le secret de cette influence était dans l’âme du jeune maître, et là seulement. C’est du bon trésor de son cœur que jaillissait cette parole convaincante, entraînante, cette admiration contagieuse pour le beau et cet enthousiasme du bien auxquels ne résiste pas la jeunesse. Le frère Verjus aimait ses élèves, voilà pourquoi ses élèves l’aimaient, et voilà pourquoi, malgré son inexpérience, il leur a fait tant de bien.

Nous l’avons dit, les critiques ne lui manquaient pas.

    Le même conseil va tout droit aux directeurs et aux professeurs de nos maisons religieuses. Ne sont-ils pas à la fois père et mère ?

  1. 9 janvier 1880.