Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
59
LES DEMI-SEXES

flétri les roses de son cœur… Désillusionnée avant d’avoir vécu, perdue avant d’avoir aimé, elle était bien la fleur hâtive et morbidement épanouie des civilisations extrêmes. Nina, après quelques autres, lui avait chuchoté à l’oreille de ces paroles confuses qui font tressaillir l’âme des vierges, et elle avait succombé, avide de savoir et d’enseigner à son tour.

Madame Saurel, de dix ans plus âgée qu’elle, dépensait sans compter une fortune dont l’origine était assez mystérieuse. Depuis la mort de son mari, dont on ne disait rien, elle menait une existence luxueuse et vagabonde. Elles s’étaient rencontrées dans le monde et s’étaient parlé, attirées par une réciproque sympathie que devaient éveiller, dans des natures cependant très différentes, des dessous de sentiments pareils.

Dès le lendemain soir, Nina avait emmené Camille au Bois, dans sa voiture.

C’était par une nuit sans vent, une de ces nuits d’étuve où l’air de Paris surchauffé, entre dans la poitrine comme une vapeur de fournaise.

Une armée de fiacres menait sous les branches immobiles des arbres tout un peuple