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LES DEMI-SEXES

mon premier amant ! Et il souffrira, car il est tout sentiment, ce jeune homme ; il a trop de naïveté pour une société factice qui vit aux lumières, qui rend toutes ses pensées par des phrases convenues ou par des mots que dicte la mode. Il ne sait pas parler en se taisant, ni se taire en parlant. Il garde en lui des feux qui le brûlent et il a une âme semblable à celles que les femmes souhaitent tant de rencontrer ; il est en proie à cette exaltation dont elles sont avides, et il s’attachera fatalement à une créature indigne de lui !… Oh ! le pauvre enfant qui ne se sent vivre que pour aimer et pour donner du bonheur ! Le pauvre enfant qui jettera follement ses trésors sous les pas d’une coquette insensible ! »

Elle eut un rire léger, puis, ses idées suivirent un autre cours. « Certes, j’ai beaucoup réfléchi, se dit-elle, et j’ai beaucoup lu. L’amour de la lecture qui, depuis l’âge de sept ans jusqu’à mon entrée dans le monde, a constamment occupé ma vie, m’a douée de la facile puissance avec laquelle je sais rendre mes impressions et marcher hâtivement dans le champ des observations. L’abandon auquel j’ai été condamnée, l’habitude de refouler mes enthousiasmes et de me montrer avec un