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LES DEMI-SEXES

Cette pitié était pour Camille une menace, un glas sinistre de mort.

Jusque-là, elle avait vécu dans un rêve charmant et goûté, auprès de son mari, les plaisirs d’une seconde enfance ; elle avait oublié les fautes passées et dans son heureuse insouciance s’était cru sauvée. Il lui était venu une profonde pensée d’égoïsme où s’était englouti l’univers. À ses yeux, il n’y eut plus d’univers ; l’univers, c’était son amour !

Tristement elle songeait à cette si courte ivresse qui, un moment, avait fleuri sa vie dans la banalité du mariage.

Georges allait rentrer. Elle l’attendait dans sa chambre, au coin de son feu, car la soirée était froide et humide. Dans le petit hôtel désert, aucun bruit ne s’entendait. Elle demeurait immobile, enfoncée dans les brumes de sa mélancolie. Pourtant, le vol des minutes était lourd et douloureux. Elle prit un livre, au hasard, et tâcha de lire pour tromper ses appréhensions ; car ses nerfs vibraient terriblement et la solitude lui devenait intolérable.

Mais, elle ne put fixer son attention sur le volume qu’elle tenait, ses yeux seuls suivant, sur la page blanche, les caractères alignés.

Elle écoutait sonner à la pendule les mornes