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LES DEMI-SEXES

à force d’adresse, d’énergie, de diplomatie, avec un sang-froid toujours présent, elle parvint à séparer ces deux existences et à les vivre toutes les deux sans les mêler. Auprès de son aïeule, elle était la hautaine et fière héritière que nul ne soupçonnait ; elle sortait de ses orgies, sans en emporter le goût, et montrait, quand elle venait de quitter ses amants, une réserve presque puritaine. Elle n’avait ni un propos, ni un regard qui éveillât le soupçon de sa vie clandestine. Rien en elle ne trahissait ses nuits. En mettant le pied dans l’hôtel du faubourg Saint-Honoré, en approchant de la baronne de Luzac, elle prenait la parole, l’attitude, la chaste modestie qui écartent d’une femme jusqu’à la pensée des approches de l’homme. Elle était sévère pour les fautes et les hontes d’autrui, ainsi qu’une personne sans reproches.

Pourtant, tout ce mensonge d’apparences n’était pas de l’hypocrisie chez la jeune fille, mais le désir de ne point entacher son nom, de ne pas déchoir aux yeux du monde. Elle avait voulu être libre, et sa liberté était moins grande que précédemment, puisqu’il lui fallait mentir sans cesse… Mentir ! elle ne pouvait plus que cela ! Elle éprouvait comme une im-