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LES DEMI-SEXES

mais la jeunesse accomplit des miracles sans le secours de la science. Le miracle de cette vie de désordre et de surprise fut qu’elle n’éclatât pas. Camille n’en laissa rien jaillir au dehors, elle n’en laissa rien monter à ses lèvres, ni rien voir dans sa physionomie.

La baronne de Luzac, toujours clouée sur son lit, maintenant, ne s’occupait guère que de ses propres tourments ; mais, les amis, les connaissances qui se succédaient dans la chambre de la malade, auraient pu avoir plus de clairvoyance.

Après ses plaisirs, après ses ivresses les plus folles, la jeune fille gardait, même dans le sommeil, l’incroyable force de tout retenir et de tout renfoncer. De sa nature réelle, jamais ne s’échappait une phrase, un mot qui fût un éclair, une lueur. Déboires, dédains, mépris, rancunes, tout demeura en elle, silencieux, étouffé. Les rares défaillances qui lui prônaient et où elle semblait se débattre, finissaient toujours sans paroles par une mélancolie plus grande. La maladie, même, avec ses affaiblissements et ses énervements, ne tira rien d’elle, Les crises de nerfs lui arrachaient des cris et rien que des cris. Elle menait ainsi comme deux existences ; elle était comme deux femmes, et,