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LES DEMI-SEXES

tracas du dehors, les déceptions et les craintes cessent de l’affecter ; il savoure cette sublime léthargie de la machine humaine anéantie dans l’effort du cerveau, ce débarras et cette évasion du corps qui donnent à l’esprit la libre envolée de la pensée dans le monde immatériel des abstractions… Ah ! si je pouvais posséder cette fièvre bienheureuse, je serais sauvé !… Pour moi, les semaines passeraient comme des jours ; j’aurais des mois entiers sans ennui, sans ce spleen qui prend, après un long repos, l’esprit habitué à l’exercice et à la lutte avec lui-même ; des mois où l’égoïsme de l’intelligence me délivrerait de tout caprice et de tout sentiment !

— Le sentiment ? demanda Camille ; que vient faire le sentiment, ici ?… Est-ce donc par amour que vous m’avez prise ?…

— Certes.

— Et vous me méprisez, cependant ?…

— Mon amour, malheureusement, supporte fort bien ce voisinage humiliant. Je ne cherche pas à le grandir, je le donne pour ce qu’il est. Maintenant, ma chère Camille, permettez-moi de vous dire que vous vous calomniez vous même. Vous êtes pervertie, mais non perverse… Sous toutes vos poses, sous les fan-