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LES DEMI-SEXES

le piano par des doigts légers. Ce furent bientôt des aveux et des baisers vagues… On avait mangé le potage tortue, les perdreaux, les écrevisses… Camille s’était levée, les yeux demi-fermés, un verre de champagne dans sa main fluette. Elle portait, ce soir-là, une jupe de velours argenté très pâle, et ses cheveux tombaient, bien au-dessous de sa taille, en deux superbes nattes calamistrées.

— Ô chères amies, dit-elle d’une voix vibrante, ô chers modèles de toutes les vertus répréhensibles, soyez toujours à la hauteur de vous-mêmes : soyez charmantes, irrésistibles et sans cœur ! Distillez le désir et la désespérance, enfiévrez les simples mortels jusqu’à la frénésie, et, ne craignant rien, restez sans pitié !…

On avait saccagé les corbeilles de fruits. Le café, maintenant, fumait dans les tasses transparentes. Nina s’enveloppait de flocons de fumée blanche, comme une déesse dans un nuage. Les voix grossirent, le tumulte grandit. Il n’y eut plus, alors, de paroles distinctes. Les plus rouées disaient leurs secrets à des curieuses qui n’écoutaient pas, les mélancoliques souriaient comme des danseuses qui viennent saluer le public ; des amies intimes s’injuriaient ;