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LES DEMI-SEXES

froid de jadis, de ce monde ennuyeux et poli où les hommes auraient craint de laisser voir une idée personnelle, une opinion originale. Chacun chez madame de Luzac était à l’aise et en confiance. Il régnait dans les salons cette grâce cordiale, cette liberté communicative que donne seul aux relations sociales ce genre de femmes qu’on est convenu d’appeler les femmes nouvelles. Délivrées des conventions, des mensonges et des grimaces habituelles, les compagnes de Camille parlaient, pensaient, riaient comme elles en avaient envie et ne reculaient pas devant l’expression vraie. Un honnête bourgeois qui eût amené là sa fille, eût été fort déconcerté par la vivacité des paroles, la liberté des habitudes et les mille riens sévèrement proscrits habituellement par les traditions familiales.

Il y avait aussi chez Camille beaucoup de jeunes artistes. L’un, venait de révéler un talent original qui, par miracle, avait réussi sans la charlatanerie de la réclame ; l’autre avait hasardé, la veille, un livre remarquablement conçu et écrit qui n’offensait pas trop la pudeur. Plus loin, un statuaire, dont la figure pleine de rudesse accusait quelque vigoureux talent, causait avec un de ces railleurs à froid