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LA PORTE DE FÉLICITÉ

— N’as-tu pas tes poignards et craindrais-tu la mort ?

— Je ne crains rien pour moi ; mais je dois veiller sur l’existence de celle qui m’est confiée et qui m’est chère…

La promeneuse abaissa sur ses prunelles mystérieuses ses longues paupières, prolongées encore, sur les tempes, par des traits de kohl, et ne répondit pas. Un frisson agita ses épaules, ses doigts laissèrent échapper les dernières touffes de myrtes qui se jouèrent au creux des vaguelettes.

L’eunuque semblait tout jeune, avec l’ovale distingué de son visage, ses larges yeux de velours sombre et ses lèvres gonflées, au triste sourire. Les manches argentés de deux poignards, incrustés de cabochons de turquoises et de corail brillaient à sa ceinture, un tarbouch coiffait sa tête et une veste de soie molle, soutachée d’or, drapait à l’ancienne mode son corps mince.

La barque, remplie de coussins, de fleurs, d’étoffes chatoyantes, berçait le rêve nostalgique des promeneurs ; l’heure était pénétrante pour leur âme chagrine, le ciel souriait de toutes ses splendeurs, l’onde fredonnait de toutes ses voix mystérieuses l’hymne éternel d’amour et de liberté.