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LA CORNE D'OR

avec agilité, s’interpellent dans leur idiome spécial, en même temps sonore et bref. A chaque tour de rame, ils tournent la tête pour éviter les rencontres, et les barques fuient, s’arrêtent, virevoltent comme des dorades géantes dansant sous la lune au chant aigu des sirènes.

Sur le coussin de l’un de ces caïques, une femme, soigneusement voilée, se tenait immobile sous la surveillance d’un eunuque.

Elle ne parlait pas, jouissant avec recueillement du décor merveilleux, et ses doigts fins effeuillaient une touffe de tubéreuses et de myrtes.

De son visage, l’on n’apercevait que les yeux immenses, d’une teinte glauque et dorée, étrange sous les sourcils très noirs, comme dessinés au pinceau, et le front ingénu. Un férédjé de soie prune, brodé d’orange, de bleu et de blanc enveloppait son torse, se creusant à la taille dont il révélait le fin et harmonieux contour ; un yachmak cachait sa bouche.

— Soab, dit-elle à l’eunuque placé près d’elle, ne pourrions-nous prolonger cette promenade exquise ?

— Les ordres sont formels, déclara le jeune homme d’une voix douce. Nous devons rentrer au haremlike tout de suite après la prière. Et, voici, bientôt, le coucher du soleil.

— Qui s’apercevra de notre absence ?

— Des ennemis cachés qui nous surveillent…