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L'ANARCHISTE

» Jacques avait glissé ses mains sous la table, mais j’étais tellement affolée que je n’observais plus ses mouvements. Immobile, comme ramassé sur lui-même, il ne répondait presque plus aux injures de ses compagnons. Ses yeux seulement restaient opiniâtrement fixés sur son voisin de gauche dont l’ironie grossière l’avait plus cruellement atteint.

» Tout à coup, avec une rapidité incroyable, je vis son bras se détendre comme un ressort, et une flamme traverser l’air. L’homme poussa un hurlement de douleur et se renversa sur sa chaise. Quelques tremblements convulsèrent son corps, un flot de sang lui sortit par les lèvres, et sa tête retomba en arrière.

» Je vis encore, comme dans un nuage, Jacques ouvrir la porte et disparaître, tandis que les deux fermiers s’empressaient auprès de leur camarade ; puis, les choses s’effondrèrent autour de moi, je perdis connaissance.

» Il paraît que je ne revins à la vie qu’au bout de trois heures. Tout paraissait calme ; mais une jeune bonne qui me soignait me dit, en se signant, qu’il y avait un mort en bas et que tous les domestiques de la ferme étaient à la poursuite du meurtrier. La mémoire alors me revint, et à l’idée que mon amant allait être arrêté, je sautai à bas du lit pour le revoir encore. Hélas ! j’étais