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L'ANARCHISTE

vérité entière ?… Oui, vous me croirez, car vous savez que, malgré mes hontes passées, je n’ai jamais menti.

» Depuis un mois nous allions, presque tous les jours, à la ferme de maître Guillaumet. J’emportais mon ouvrage, et pendant que je raccommodais nos hardes ou faisais des vêtements pour les enfants pauvres, Jacques lisait ses journaux à haute voix, commentant les passages qui lui avaient déplu. Je prêtais peu d’attention à ses paroles qui me paraissaient dénuées de tout bon sens, et je ne m’inquiétais pas, sachant que sa fureur se dissipait comme elle était venue. M. Guillaumet ne disait rien, mais son air railleur était plus éloquent que tout ce qu’il aurait pu répondre. Je crois qu’à la fin il était fatigué de ce verbiage inutile, et qu’il n’y attachait pas plus d’importance qu’à la colère d’un enfant.

» Votre homme est incorrigible, » me disait-il avec calme, « mais comme, après tout, il fait plus de bruit que de besogne, je ne vois pas la nécessité de lui clore le bec. S’il va trop loin, nous verrons ! » Moi, je le suppliais de se montrer toujours bon et généreux pour mon cher Jacques. — « Il est comme ça, voyez-vous, » disais-je, « mais il ne ferait pas de mal à une fourmi ! Jamais il ne m’a touchée, même du bout du doigt, et, cependant, je suis si habituée aux