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L'ANARCHISTE

de son amant qui rêvait l’égalité pour tous : pour les vierges heureuses comme pour les drôlesses martyres. Cent jeunes filles élevées dans le luxe et les bons principes se fussent souillées, irrémédiablement perdues, où l’enfant du peuple était restée bonne et généreuse. Claudie, avec une innocence adorable, s’accusait de n’avoir pu subir le vice : « J’étais si délicate, n’est-ce pas, je n’avais pas la force ! » Sans cela, elle eût aimé sa peine d’amour pour apporter quelques sols au logis, et désarmer la colère toujours véhémente de son ivrognesse de mère !

Quelle joie ! quand, au sortir de Paris, la route s’étendit au loin, étincelante, noyée dans le poudroiement d’or du jour naissant. Tout vibrait dans cette poussière de rayons que les chaudes heures de l’été laissent après elles.

La verdure s’orangeait de tons brillants et les maisons devenaient roses. Des vols d’hirondelles circulaires et joyeux s’enchevêtraient sur sa tête, les oiseaux se répondaient, et elle regardait d’un œil lumineux les jardinets qui fleurissaient le long du chemin, les chalets couverts de vigne vierge et de clématites. Pourtant, ce n’était encore que cette maigre verdure que les grandes villes créent autour d’elles, cette première zone de banlieue, sans cesse déflorée, où la nature est sèche, la terre usée et où les écailles d’huîtres