Page:Vaudere - L anarchiste.pdf/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
17
L'ANARCHISTE

d’obéir, comme le fort a besoin de commander.

En détruisant tout ce qui existe, vous recommenceriez un nouvel état qui, au bout d’un siècle, serait exactement semblable à l’ancien. On versera encore bien des flots d’encre en faveur de votre thèse qui est fort belle dans l’esprit des illuminés et des poètes, mais irréalisable dans un monde aussi imparfait que le nôtre.

Tous vos efforts tendront à faire couler le plus de sang possible, et ce n’est pas avec le remords de vos crimes que vous arriverez au bonheur. J’ai connu bien des folies dans ma vie, et, si je ne les ai pas partagées, je les ai comprises, excusées. En considérant sérieusement les choses on arrive, d’ailleurs, à cette conclusion : que l’homme est un être irresponsable, et que tout ce qui émane de son jugement est folie ! Mais, mieux vaut, croyez-moi, la folie organisée et solennelle que nous subissons que votre folie sanguinaire qui vous rabaisse à l’état de brutes.

Jacques crispa les poings, et je crus qu’il allait s’élancer sur moi, tant l’expression de ses yeux pâles devint menaçante ; puis il sembla s’apaiser et me tourna le dos avec dédain. La Claudie, repliée sur elle-même, respirait péniblement entre deux quintes de toux. Je jugeai inutile de combattre davantage une opinion aussi enracinée, et j’allais me retirer quand Jean reparut avec les