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UNE VENGEANCE

Un rat, parfois, faisait craquer la boiserie, et je restais les yeux fixes, n’osant les détourner du point que je regardais, dans la crainte qu’ils ne rencontrassent, en se retournant, quelque cause de stupeur réelle. Puis, j’eus honte de ma faiblesse, et, me levant, je pris un flacon qui contenait un cordial énergique et m’en versai quelques gorgées.

En revenant à ma place, il me sembla (pure illusion certainement) que la statue de Bérénice avait changé de position. La tête inclinée sur l’épaule s’était redressée avec un air de défi, les mains s’étaient un peu écartées du corps.

Il pouvait bien être minuit ; peut-être plus tôt, peut-être plus tard, car je n’avais plus conscience de l’heure ; mais, il me semblait que j’étais là depuis des siècles, jamais semblable angoisse ne m’avait étreint.

Je restais, les yeux fixés sur la statue, m’efforçant à découvrir un mouvement quelconque, mais je n’en aperçus pas le moindre.

Tout à coup une sorte de gémissement très bas, très léger frappa mon oreille. Je voulus douter, me persuader que je m’étais trompé, et, pour tant, mon esprit était bien éveillé en moi : j’entendais distinctement les battements de mon cœur, et, en étendant le bras, je palpai les mains mortes de Georges étendu sur sa couche glacée.