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UNE VENGEANCE

lus. Les fibres cérébrales affectées par les sensations de joie ou de chagrin leur paraissent comme détendues, insensibilisées, mortes !… Elles ne sont, au contraire, que sublimées et douées d’une sensibilité presque maladive chez certains êtres privilégiés. Les autres hommes semblent gratifiés de propriétés de tendresse mieux conditionnées, de passions plus franches, plus sérieuses enfin, lorsque la tranquillité de leurs organismes, obscurcis encore par l’instinct, les porte à nous donner pour de suprêmes expressions de sentiments, de simples débordements d’animalité. Leurs cœurs et leurs cerveaux, desservis par des centres nerveux ensevelis dans une torpeur habituelle, résonnent en vibrations plus sourdes et moins nombreuses. Ils se hâtent de dissiper en clameurs leurs impressions, pour se donner une illusion d’eux-mêmes, et se justifier d’avance de l’inertie où ils sentent qu’ils vont rentrer. On les appelle des gens « à caractère, » lorsque ce ne sont que des êtres incomplets et nuls.

Georges n’était point de ceux-là. À partir du moment où il me fit le récit de son malheur, il n’en reparla plus ; et, cependant, je vis bien qu’il en mourait lentement ayant épuisé la souffrance jusqu’à la lie, ainsi, que la lampe s’éteint lors qu’elle a donné toute son huile.

Un soir, il me sembla transfiguré : sa parole

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