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UNE VENGEANCE

» Un soir, je vins donc l’attendre devant ses fenêtres, et elle ne tarda pas à paraître, si soigneusement voilée, qu’il eût été bien difficile de la reconnaître.

» Je lui jetai un manteau sur les épaules, et nous partîmes comme deux criminels, l’esprit rempli d’angoisse et l’âme exultante de joie. Quand nous nous retrouvâmes seuls dans le wagon qui nous emportait vers le bonheur, nous nous étreignîmes à nous étouffer, riant, pleurant d’allégresse, les lèvres sèches, les yeux étincelants de fièvre et d’amour. Il faut avoir connu cette extase de deux êtres jeunes, éperdument épris, vibrants de désirs et d’audace, réunis enfin après mille périls, pour comprendre ce que nous ressentîmes.

» Le mari de Bérénice me connaissait à peine, heureusement, et notre fuite avait été si adroitement combinée que nous pûmes espérer qu’il ne retrouverait jamais nos traces.

» Ma fortune me permettait de vivre à ma guise, et je pensai immédiatement que ce vieux manoir abandonné serait un nid charmant pour nos tendresses.

» Aussitôt arrivé, je pris une femme de ménage dans les environs, et fis venir Porto que j’avais recueilli tout jeune et élevé avec assez de sollicitude pour qu’il me fût reconnaissant et dévoué.

» Bérénice passa pour ma femme, et comme on