Et ma voix s’élevait, dominant le fracas de la tempête ; elle s’élevait avec des sonorités de clairon, disant à la nature ma joie, mes tourments, l’enfer de ma vie et l’ensoleillement de mon rêve. Je parlais, je parlais, et les grands arbres s’inclinaient avec des murmures ; les clameurs aiguës du vent secouaient les échos comme les applaudissements d’un public en délire.
Tout à coup, ainsi que les rideaux d’un tabernacle qu’on enlève, les nuages d’argent, en s’enroulant à larges volutes, découvrirent le soleil monstrueux, effroyable, comme un lac de flamme !… Brusquement, je cessai de m’entendre ; tout devint vague… Les déchaînements de la nature s’affaiblirent autour de moi, une douleur atroce me traversa le cerveau, et il me sembla que je retombais dans la néant…
Cet étrange récit fut fait à l’hôpital, par un pauvre fou qu’un tombereau avait renversé sur un chemin désert aux premières lueurs du matin. Le conducteur, encore à moitié endormi, n’avait pu retenir ses chevaux à temps, et la roue de la voiture avait passé sur les jambes du malheureux en les broyant au-dessus du genou. On dut pratiquer l’amputation, mais le malade était dans un tel état d’épuisement qu’il mourut quelques heures après.