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NIHILISTE

soirée. On ignorait ce qu’elle était devenue.

Les malheureux qui ont aimé comprendront ce que fut mon existence à partir du moment où je repris le pouvoir de penser et de souffrir ! Les joies inoubliables que j’avais goûtées auprès de Terka étaient sans cesse présentes à ma mémoire ; les heures vibrantes d’amour chantaient leurs litanies divines en s’égrenant une à une dans mon cœur. De longs frissons parcouraient mes veines, sans cesse je pensais à elle, l’appelant et la désirant de toutes les puissances de mon être. Je vécus ainsi une semaine ou deux. Elle m’obsédait, me hantait ; je ne pouvais croire que tout fût fini, et lorsque je m’appesantissais sur cette cruelle idée, une profonde détresse noyait mon âme.

Pourtant, il fallait aller, venir, répondre, vivre enfin, et cacher ce tourment comme une honte. J’essayai de m’intéresser à mes anciens plaisirs ; je retournai au club, aux courses ; j’eus des maîtresses, et, comme suprême remède, je tentai de me réconcilier avec Régine, que mon duel avait rendue célèbre. Efforts vains ! Terka me possédait dans les fêtes, au milieu des soirées d’orgie, jusque dans les bras de Régine qui, maintenant que je ne l’aimais plus, s’attachait désespérément à moi. Dédaigneux de ses caresses, je me laissais faire, éprouvant parfois une acre satisfaction à insulter, à brutaliser cette femme que les