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NIHILISTE

avais la force, de dissimuler mes nouvelles tortures, afin de frapper plus sûrement, quand l’instant en serait venu.

Terka reparut dans la matinée. Elle fut tendre, soumise, remplie d’attention. Son visage ne révélait aucune contrainte, son regard droit cherchait le mien ; j’étais ébloui par ce merveilleux pouvoir de dissimulation. Elle était la plus pure des créatures ou la plus abjecte ! Au déjeuner, tout à coup, elle pâlit, et s’affaissa sur sa chaise. Je courus à elle et, en la relevant, je m’aperçus qu’un filet de sang sortait de sa manche et coulait sur la nappe. Je soulevai l’étoffe qui cachait un linge ensanglanté enroulé autour du bras.

— Ah ! tu as vu, dit-elle, en reprenant connaissance. Ce n’est rien : une figure ébauchée qui est tombée sur moi, et dont l’armature en fer m’a blessée. Elle découvrit la plaie qui était assez large et profonde.

— Tu travailles donc la nuit, Terka ?

Elle rougit, mais répondit avec assez de naturel :

— C’est précisément parce que je ne travaille pas qu’il m’arrive de ces accidents. Tout sèche et se détériore. Il faudra que je me remette à sculpter sérieusement. J’ai une grande étude à terminer pour le prochain Salon.

— Eh bien ! c’est entendu. J’irai m’installer dans ton atelier et, si tu le permets, je te regar-

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