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résolument, l’idée, chère à Wolff, d’une maxima civitas, où tous les États seraient soumis à une loi unique, comme s’ils n’avaient qu’un supérieur commun : simple fiction, que Vattel repousse, avec la crainte qu’exploitée par d’habiles politiques elle ne devienne un jour une réalité.

Mais, tout en affirmant les droits des nations à la conservation, à l’indépendance, Vattel n’en admet pas moins entre elles un devoir international. « Les nations étant obligées par la nature à cultiver entr’elles la Société humaine (Préliminaires, § 11), elles sont tenues les unes envers les autres à tous les devoirs que le salut et l’avantage de cette société exigent » (II, § 1).

Les offices de l’humanité sont ces secours, ces devoirs, auxquels les hommes sont obligés les uns envers les autres en qualité d’hommes. Or, les nations n’étant pas moins soumises aux lois naturelles que les particuliers (Préliminaires, § 5), ce qu’un homme doit aux autres hommes, une nation le doit à sa manière aux autres nations (Prélim., § 10 et s.) :


« Le but de la Société naturelle établie entre tous les hommes étant qu’ils se prêtent une mutuelle assistance pour leur propre perfection et pour celle de leur état ; et les nations, considérées comme autant de personnes libres qui vivent ensemble dans l’état de Nature, étant obligées de cultiver entr’elles cette Société humaine, le but de la grande société établie par la nature entre toutes les Nations, est aussi une assistance mutuelle pour se perfectionner, elles et leur État. La première loi générale, que le but même de la Société des Nations nous découvre, est que chaque nation doit contribuer au bonheur et à la perfection des autres. » (Prélim., §§ 12-13.) « Tel est le fondement de ces devoirs communs, de ces offices d’humanité auxquels les Nations sont réciproquement obligées les unes envers les autres. » (II, § 2.)


« Ils consistent en général à faire pour la conservation et le bonheur des autres tout ce qui est en notre pouvoir » (II, § 2). Les droits de la nation à se conserver, à se garantir d’une ruine funeste, que Vattel avait énumérés dans le premier livre de son ouvrage, engendrent ainsi, dans le second, des devoirs pour les autres nations. Chacune doit assister l’autre contre un ennemi puissant qui menace de l’opprimer (II, § 54), la secourir quand elle est désolée par la famine (II, § 5), lui faire connaître ses lois (II, § 6), ne pas monopoliser le commerce (II, § 35) ni accaparer les terres vacantes (II, § 98), entretenir avec elle un commerce réciproque (II, § 21) favorisé par l’institution des consuls (II, § 34), administrer la justice indépendamment de toute nationalité (II, § 71), même, par les lettres rogatoires, aider à la réaliser sur place (II, § 76), s’ouvrir aux étrangers à la seule condition d’observer les lois du pays (§ 101) sans les retenir s’ils veulent le quitter (II, § 108), ni les soumettre au droit