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iv

le portaient plutôt vers les lettres et la philosophie. La lecture de Leibnitz décida de sa vocation.

En 1741 il publiait une Défense du système leibnitzien. L’opportune dédicace de cet ouvrage à Frédéric II sollicitait discrètement une fonction. En 1742, sur l’invitation du marquis de Valory, ministre de France en Prusse, il se rend à Berlin auprès du prince dont il était le sujet et dont le père avait, en 1727, anobli le sien. Ses goûts personnels, ses études antérieures, les souvenirs laissés par son oncle et son grand-père maternels l’invitaient à demander un emploi diplomatique.

Le jeune écrivain comptait aussi, pour l’appuyer, sur sa Défense du système leibnitzien : « Mon livre, » écrit-il, « a le bonheur de plaire, parce qu’il traite d’une matière qui est ici fort à la mode. Il m’a fait des amis d’avance. » MM. Jordan et de Jarriges, la reine-mère elle-même accueillent le jeune écrivain avec la plus encourageante bienveillance. Mais si le livre, dont le sujet, « fort à la mode, » avait eu le don de plaire, gagnait à son auteur d’utiles protections, il ne lui donnait pas, immédiatement, l’emploi cherché. La modicité de sa fortune ne lui permettant pas d’attendre, il se rendit, en 1743, à Dresde, où on lui avait fait espérer plus de succès ; l’accueil qu’il reçut du comte de Brühl, premier ministre de l’électeur de Saxe, confirma ses espérances. Un moment, des affaires particulières le ramènent à Neuchâtel, puis il retourne à Dresde : c’est en 1746. Le ministre des finances « lui avance cent écus, à compte de ses appointements. » Comment « veut-on l’occuper » et « quelle sera sa destination ? » Il faut, pour en décider, le retour à Dresde de l’électeur de Saxe, roi de Pologne, alors à Varsovie.

    imprimer pour annoncer mon Droit des Gens & en donner une idée. Vous aurez la bonté, mon cher Ami, d’aider à répandre ce Programme, & de l’insérer dans votre Journal. Envoyez-en un aux Auteurs de la Gazette Littéraire de Göttingue.

    « Quand re Programme sera répandu, vous verrez mieux combien je dois envoyer d’exempl. du Dr. d. Gens à Berlin ; & je vousprie de m’en écrire alors votre avis. L’impression sera achevée au mois d’Octobre. J’aurois voulu qu’elle alla plus vite ; mais cela ne se peut ici. Je suis fort impatient de sçavoir ce que vous penserez de mon travail, & j’espère qu’en véritable Ami, vous me le direz bien naturellement. J’aime que l’on me dise mes fautes, quand je puis les corriger : & peut-être mon Livre aura-t-il plus d’une Edition. Cette espérance n’est pas trop présomptueuse, puisque je ne fais tirer que douze-cent Exemplaires.

    « Vous ne vous attendez pas que je vous parle de la Guerre ; elle est trop funeste pour moi. Je crois que bien des Gens s’accordent avec moi pour souhaiter la paix. Dieu veuille la donner ! Je l’espère, au moins dans quelque-tems. La Guerre se fait aujourd’hui avec de trop grands efforts, pour se soutenir long-tems. Nous ne verrons plus de Guerre de trente ans.

    « Faites, je vous prie, mes Amitiés à M. Béguelin, en l’avertissant que je lui ai écrit le 19. en lui envoyant ce paquet de Programmes, qui sera mis au Chariôt de Poste à Francfort. Mes respects à ces Dames, à tous nos Amis & singulièrement à M. de Jarriges, dont le souvenir me flatte toujours très-précieusement. Je souhaite de tout mon cœur que votre cure de petit-lait vous donne une ample provision de santé. La mienne est fort bonne, malgré le mauvais état de mes Affaires. Dois-je ce bien à mon tempérament, ou à un peu de Philosophie ! À l’un & à l’autre, je pense ; mais plus essentiellement au premier. Vous sçavez cependant que je ne manque pas de sensibilité. Vous en trouverez dans mon cœur, mon cher Ami. Adieu, je vous embrasse tendrement.

    de Vattel. »

    A cette lettre, on peut en joindre une autre, du 16 juillet 1758, à un homme d’État français, pour lui adresser le Droit des gens en ces termes : "Je souhaite, M., que vous trouviez dans ce petit ouvrage des preuves de mon amour pour le bien, et, en particulier, de mon zèle pour la France. » (Lettres autographes composant la collection de M. Alfred Bovet, décrites par St. Charavay. Paris, Librairie Charavay frères, 1885. Série VI. Poètes et prosateurs, t. II, p. 459.)