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LE DROIT DES GENS.

perſonne morale, puisqu’elle a un entendement, une volonté & une force qui lui ſont propres, eſt donc obligée de vivre avec les autres Sociétés, ou États, comme un homme étoit obligé avant ces Etabliſſemens, de vivre avec les autres hommes, c’eſt-à-dire ſuivant les Loix de la Société naturelle établie dans le Genre-humain ; en obſervant les exceptions qui peuvent naître de la différence des ſujets.

Le but de la Société naturelle établie entre tous les hommes, étant qu’ils ſe prêtent une mutuelle aſſiſtance pour leur propre perfection & pour celle de leur état : & les Nations, conſidérées comme autant de perſonnes libres qui vivent enſemble dans l’état de Nature, étant obligées de cultiver entr’elles cette ſociété humaine ; le but de la grande Société établie par la Nature entre toutes les Nations eſt auſſi une aſſiſtance mutuelle, pour ſe perfectionner elles & leur état.

La première Loi générale, que le but même de la Société des Nations nous découvre, eſt que chaque Nation doit contribuer au bonheur & à la perfection des autres tout ce qui eſt en ſon pouvoir.

Mais les devoirs envers ſoi-même l’emportant inconteſtablement ſur les devoirs envers autrui, une Nation ſe doit premiérement & préférablement à elle-même tout ce qu’elle peut faire pour ſon bonheur & pour ſa perfection. (Je dis ce qu’elle peut, non pas ſeulement phyſiquement, mais auſſi moralement, c’eſt-à-dire ce qu’elle peut faire légitimement, avec juſtice & honnêteté). Lors donc qu’elle ne pour-

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