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ignorance, je n’hésitais pas à avoir recours à de plus habiles que moi ; ainsi, souvent je fus aidé par le Tribolo, par le Bandinelli et par d’autres maîtres. Vers cette époque, je fis le portrait du duc Alexandre couvert d’une armure. Je me souviens que, pour rendre les oppositions d’ombre et de lumière produites par cette armure, je fus sur le point de perdre la tête, tant je m’appliquai à exprimer avec exactitude les moindres détails. Désespéré de ne pouvoir approcher de la nature, j’allai chercher Jacopo da Pontormo que j’avais en grande vénération, et je lui demandai ses conseils. Lorsqu’il eut vu mon tableau, il me dit : « Mon fils, les armes que tu as peintes ne te sembleront jamais vraies, tant que tu garderas à côté celles qui te servent de modèle, car le blanc, qui est la couleur la plus éclatante que nous employions, ne peut lutter contre le luisant de l’acier. Ote cette armure que tu as copiée, et je te garantis que la tienne te paraîtra moins mauvaise. » Lorsque ce portrait fut fini, je le livrai au duc qui le donna à Messer Octavien de Médicis, chez lequel il est resté jusqu’à présent en compagnie de celui du magnifique Laurent l’Ancien, et de celui de la jeune sœur du duc, Catherine de Médicis, qui plus tard devint reine de France. Messer Octavien possède encore de moi trois tableaux qui datent de ma jeunesse, un Sacrifice d’Abraham, une Prière du Christ dans le Jardin des Oliviers, et une Cène de Notre-Seigneur avec les Apôtres.

Sur ces entrefaites, le cardinal Hippolyte, sur lequel reposaient toutes mes espérances, étant venu