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parfaitement harmonieux, si parfaitement beau. Malheureusement il n’en est point arrivé ainsi, et cette époque de la peinture flamande est loin de correspondre au siècle de Léon X. Cette infériorité peut, en grande partie, être attribuée, il nous semble, à l’influence d’un principe fatal auquel on est convenu de donner le nom de fantastique, et qui forme un des traits fondamentaux du caractère des populations et de la nature septentrionales.

Dans le Midi, la sérénité du ciel, la transparence et la clarté de l’air, les ondulations magiques des montagnes, les efflorescences pittoresques de la végétation, enchantent les regards et remplissent l’âme d’une douce et sublime poésie.

Dans le Nord, au contraire, dans ces régions éloignées du soleil, les nuages voilent le firmament, le brouillard pèse sur les vallons ; durant six mois de l’année, la terre dépouillée de ses fleurs et couverte de neige paraît dormir d’un sommeil léthargique. L’homme doit nécessairement réfléchir les objets qui l’entourent : puis, obsédé par l’image constante de la caducité et de la mort qu’il a sous les yeux, pour trouver la vie, il se jette hors du cercle où il en voit si peu. Alors il fouille dans son cœur, son âme se concentre en elle-même, et son esprit actif est excité à peupler les solitudes de créatures imaginaires. Mais lorsque la fantaisie s’aventure dans un monde sans règle et sans limites ; lorsqu’elle abandonne les lois de l’organisme qui constituent le type des formes naturelles ; lorsque, enfin, elle cherche à régner souverainement et arbitrairement,