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commencements de cette nouvelle phase de l’art septentrional. Les figures isolées et les groupes symétriquement ordonnés sont répudiés ; la splendeur monotone des fonds d’or est remplacée par des perspectives variées, où l’œil du spectateur peut se promener à l’aise. Le monde entier des phénomènes extérieurs, le ciel et la terre, les chaînes de montagnes gracieusement ondulées, les forêts qui voilent leurs pentes, les fleuves et les lacs qui baignent leurs pieds, les horizons moirés d’ombres et de clartés qui couronnent leurs têtes, les arbres chargés de fruits, les prairies émaillées de fleurs et de lueurs humides qui chatoient dans leurs herbes, les torrents, les ruisseaux, les ruines, les palais, les châteaux, les habitations privées, avec leurs meubles, leurs ustensiles et leurs ornements, tout, en un mot, se réfléchit dans les œuvres des deux illustres chefs de l’école flamande, et surtout dans celles de Jean van Eyck, qui a absorbé presque toute la gloire de son frère aîné[1]

  1. Les frères van Eyck doivent ce nom au lieu de leur naissance Maas-Eyck, petite ville située au bord de la Meuse, sur la frontière de l’électorat de Cologne. L’aîné des deux frères s’appelait Hubert, et le plus jeune, Hans ou Jean. Hubert, suivant le témoignage de van Mander, naquit vers 1366, et mourut à Gand en 1426. Jean lui survécut de près de vingt ans. On ignore, dit van Mander, chez quel maître Hubert fit son apprentissage ; mais on sait qu’il fut l’instituteur de Jean. Selon quelques auteurs, leur père même aurait été peintre. Quoi qu’il en soit, toute la famille semblait inspirée par le génie de l’art, car leur sœur Marguerite cultiva aussi avec succès la peinture, et, pour pouvoir s’y consacrer entièrement, refusa de se marier. Les van Eyck choisirent d’abord Bruges pour résidence. Dans nulle autre cité ils n’auraient rencontré des ressources aussi variées, aussi essentielles pour l’exercice de leur art. Bruges, depuis longtemps déjà, entrepôt des villes anséatiques et rivale de Venise, était alors parvenue au plus haut